Musique ancienne, clavecin, orgue, Genève

Gibbons Tomkins

Thomas Tomkins, Orlando Gibbons

Hadrien Jourdan   

Lieux d'enregistrement :
Lanvellec
Josselin

Enregistré en juillet 2004
SYR 141389

Iconographie
Claude Gellée dit le Lorrain, Port de mer (1639)

 

Instruments
Lanvellec      
orgue Robert Dallam, 1653, restauration par Barthélémy Formentelli 1986
Josselin       orgue Le Helloco, 1674, restauration par Barthélémy Formentelli 1990

 

Thomas Tomkins, Orlando Gibbons

C’est avec Tomkins et Gibbons que culmine l’âge d’or de la musique anglaise pour clavier dont Byrd fut le père reconnu et respecté; ce dernier marqua deux générations de compositeurs, de Bull à Tomkins, dont il fut le professeur comme nous l’apprend la dédicace de l’un de ses madrigaux. Gibbons, né la même année que Frescobaldi, en 1583, connut une rapide et brillante carrière, particulièrement au sein de la Chapelle royale où il eut l’occasion de bien connaître Tomkins (de 11 ans son aîné) qui y fut junior organist dès 1621. Il reprendra la charge de senior organist à la mort de Gibbons en 1625. Il semble que ses apparitions à la cour se firent de plus en plus rares; il se replia sur son poste de la cathédrale de Worcester, jusqu’à ce que la guerre civile l’en chassât, lors du soulèvement de la ville en 1646. La Sad Pavan for these distracted times est d’ailleurs le témoin de cette période troublée. Sa mort, en 1656, signe également la fin de cette période si féconde de la musique anglaise.


Pour le clavier, environ 70 pièces de Tomkins nous sont parvenues, moins de 50 de Gibbons, qui sont toutefois de qualité plus égale. Ces deux compositeurs réalisent en quelque sorte la synthèse des styles de Bull, excellent for the hand, et Byrd, excellent for the matter, comme le note plaisamment Tomkins dans un manuscrit autographe qui nous a transmis l’essentiel de son œuvre et qui contient de nombreuses pièces de ces deux grands auteurs. D’un point de vue stylistique, la concision, la noblesse et l’intensité des compositions de Gibbons contrastent avec celles de Tomkins, beaucoup plus impulsif, extravagant, même si ses dernières pièces reviennent à un style plus dépouillé et dans un sens, plus archaïsant. Dans le traitement rythmique, Tomkins se montre particulièrement audacieux, tout spécialement dans son Offertory, où l’on trouve outre les habituelles proportions à 3/2, 9/4, une variété extraordinaire, à la complexité croissante. On y voit le net héritage de Bull que l’on retrouve aussi dans la virtuosité fantasque et redoutable de ce même Offertory ou dans l’In nomine (MB7). La difficulté technique, très présente chez Gibbons, est cependant d’un autre ordre et a plutôt trait à une ornementation foisonnante dans un contexte polyphonique particulièrement dense. (Fantasia MB9, par exemple). Cette très belle fantaisie au thème frescobaldien, est aussi un bon exemple d’exploration harmonique, riche en dissonances expressives et en fausses relations, que l’on peut mettre en regard du voluntary (MB28) de Tomkins.


Les œuvres figurant au programme de ce disque représentent tous les différents genres pratiqués à l’époque: polyphonies sur un thème de plain-chant (In nomine, Miserere), les pièces fuguées mono ou polythématiques (fantaisies, voluntary), le ground, les danses (pavane), des formes libres (prélude).


Les pièces de plain-chant ont toutes été composées par Tomkins entre 1647-52, alors qu’il semblait vouloir renouer avec des formes anciennes, peut-être en réaction aux incertitudes politiques et religieuses de l’époque. Le cantus est généralement exposé à la basse, au-dessus duquel se déroule un contrepoint à deux voix le plus souvent en imitation, laissant place à des mélismes volubiles dont la péroraison conclut en une impressionnante cadence (MB7).
Les Fantaisies sont le genre le plus représenté. Leur construction le plus souvent polythématique (surtout chez Gibbons) assure à la fois cohésion et diversité, et concourt à un gain évident de tension par la succession de thèmes menant graduellement des valeurs les plus longues aux divisions rythmiques les plus courtes.


Le ground, construit sur une basse obstinée, donne libre cours à l’imagination débordante de Tomkins, digne représentant de la riche tradition de la variation en Angleterre. On relèvera encore une fois l’exceptionnel Offertory, tenant du ground autant que de la fantaisie.
Bien que la plupart des danses soient clairement destinées aux instruments à corde pincée, il n’est pas déplacé de confier à l’orgue certaines pavanes, surtout lorsque l’on sait la place très importante qu’occupait l’orgue dans la musique profane. L’inventaire de la collection d’instruments d’Henry VIII  fait ainsi état d’un très grand nombre d’orgues de toutes tailles.


L’instrument auquel s’adresse l’oeuvre de ces compositeurs est d’une grande sobriété: rarement plus de dix jeux (de fonds uniquement) sur un clavier, sans pédalier. Tomkins fut un des premiers à faire construire un orgue à deux claviers par Dallam en 1613, pour la cathédrale de Worcester dont il était titulaire. C’est pourtant Gibbons qui composera la première pièce connue "for double orgain" (MB7) qui fait immédiatement penser aux “Fantaisies de basse” de la musique française, bien qu’elle ait été conçue à l’origine pour un double chœur de jeux de fonds. Nous avons cependant préféré profiter de l’apport des jeux d’anches que Robert Dallam avait d’ailleurs tout de suite adoptés lors de son exil en France en 1643 et qu’il introduira en Angleterre à son retour, en 1660. Dans le même esprit, nous n’avons pas hésité à prendre le plain-chant de l’In nomine (MB7) à la pédale, pratique impossible en Angleterre mais à laquelle on remédiait souvent par la participation d’une “troisième main” (hexacorde de Byrd, par exemple).
Les instruments de Lanvellec et Josselin ont été choisis pour leur exceptionnel état de conservation et leur grande valeur historique, surtout celui de Lanvellec, en filiation directe avec la tradition de la facture anglaise.

© Hadrien Jourdan

Lanvellec

 
   
Thomas Tomkins In Nomine
   
Orlando Gibbons Fantasia
   
Tomkins Miserere
  Voluntary
  Offertory
  A sad Pavan
  Voluntary
  A Ground
   
Josselin  
   
Tomkins In nomine
   
Gibbons Fantasia
   
Tomkins Miserere
   
Gibbons Fantasia
  Fantasia for double organ
  Prelude
  Pavan
  Fantasia
   
Tomkins Voluntary
   
Gibbons Fantasia
   

La console de Lanvellec

Lanvellec console

Lanvellec orgue

Josselin orgue

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