Duel à deux orgues

DUEL A DEUX ORGUES 1580-1780

Sur le plan du répertoire écrit, la littérature pour deux orgues se limite explicitement à quelques concertos et sonates de l'époque pré-classique. Pourtant si l'on considère la présence des orgues (de deux à... six !) dans de nombreux sanctuaires italiens et ibériques et les récits historiques relatant l'usage simultané de ces instruments, on imagine sans peine la richesse potentielle du répertoire à deux orgues.

L'usage des "organo doppio" est encore confirmé par les arguments qui ont parfois conduit à la construction de nouveaux instruments comme à Bologne en 1596 "quod possint cum duobus organis fieri concentus et chori ac musica duplex" et dans bon nombre d'églises italiennes, par des archives salariales concernant simultanément deux organistes.

Né vers 1560, Lodovico Grossi da Viadana, initiateur de la basse continue, est l'auteur de huit "Sinfonie Musicale" qui portent des noms de villes. La forme pour deux chœurs à quatre parties et la préface "per ogni sorte di strumenti" autorise, selon l'usage de l'époque, la pratique à deux orgues. Cette mutation d'œuvres vocales ou instrumentales est décrite pour la première fois en 1557 par Luis Venegas de Henestrosa ("Libro de cifra nueva").

Girolamo Diruta (vers 1550 - ?), ambassadeur de la musique italienne dans les cours hongroises, décrit, non sans émotion, un duel pour orgues opposant son maître Claudio Merulo et Andrea Gabrieli: "sentendo nel famosissimo Tempio di San Marco in duello di due organi rispondersi con tanto artificio, e leggadria, che quasi uscij fuor di me stesso e bramoso di conoscer quei due gran Campioni, mi fermai alla porta, dove viddi comparir Claudio Merulo, et Andrea Gabrieli, ambedua organisti di San Marco... ".

Aurelio Bonelli (c.1569-1620), organiste à Bologne de San Michele in Bosco (1602) et San Giovanni in Monte (1620), laisse à la postérité, de manière plus explicite, deux toccatas à double chœur.

Au début du 18ème siècle, un célèbre duel oppose au clavecin, et peut-être à l'orgue, Domenico Scarlatti et Georg Friedrich Haendel qui vit alors à Rome sous la protection du Cardinal Ottoboni. De cette période sont contemporaines les quatorze sonates pour deux basses continues de Bernardo Pasquini qui a conçu ces œuvres dans un esprit pédagogique et comme de véritables sonates pour deux orgues ou deux clavecins dans lesquelles les deux interprêtes sont invités à rivaliser d'invention et de fantaisie.

Enfin, si Charles Burney a entendu, lors de son voyage italien de 1772/1773, des œuvres concertantes sur les quatre orgues de la cathédrale de Padoue, la source actuellement la plus pertinente en matière de répertoire à deux orgues se trouve à la bibliothèque de l'abbaye bénédictine d'Einsiedeln. Cette littéra ture a été collectée par le Père Marian Abbot, moine de cette prestigieuse abbaye qui a compté jusqu'à sept orgues à la fin du 18ème siècle. On y trouve notemment les œuvres de Piazza (organiste de trois églises romaines à dater de 1775) et de Zucchinetti (organiste à Monza après 1757).

© Hadrien Jourdan, Jean Christophe Leclère.

 

 

 

Bologne  San Petronio
Ludovico da Viadana	La Bolognese
	La Bergamasca
Claudio Merulo	La Rolanda (Tablature de Woltz)
	La Rolanda (ornée par Merulo)
Aurelio Bonelli	Toccata Athalanta a 8
	Toccata Cleopatra a 8
Sommacampagna
Bernardo Pasquini	Sonate I pour deux basses continues
	Sonate VIII
	Toccata en mi mineur
	Sonate X
	Sonate II
	Toccata en do mineur
	Sonate III
	Sonate VII
Sant'Elpidio a Mare
Gaetano Piazza	Sonate en fa majeur
Bernardo Zucchinetti	Concerto en si b majeur
	Sonate en ré majeur
P.J. Blanco	Concerto en sol majeur

Console de Sant'Elpidio (Nacchini)