Musique ancienne, clavecin, orgue, Genève

Interviews

Maestro, pourquoi l'orgue est-il l'instrument le plus utilisé dans les célébrations liturgiques ?

L’utilisation de l’orgue dans les églises est attestée depuis le XIIe siècle. Si cette tradition est si ancienne c’est que l’orgue a toujours été considéré comme l’instrument le plus digne et le plus adapté au service divin : c’est le plus grand, le plus complet, le plus étendu, le plus sonore des instruments de musique. En outre, la possibilité de tenir les sons, donc l’harmonie, le désignait tout naturellement pour accompagner une assemblée.

En tant qu'auditeurs, nous pouvons dire si la musique nous plaît, tout au plus si elle est belle, mais comment fait-on pour exprimer des valeurs en musique ?

Cette question intéressante nécessiterait de longs discours pour y répondre d’une manière satisfaisante. De nos jours, parler de la Beauté est particulièrement difficile dans la mesure où sa perception tend de plus en plus à se réduire à un sentiment plaisant. Le jugement, l’appréciation d’une oeuvre d’art quelle qu’elle soit, se repose toujours sur deux aspects contradictoires ou plutôt complémentaires qui sont l’objectivité et la subjectivité. A l’heure où tout doit être immédiatement perceptible et compréhensible cette distinction n’est pas sans importance. En effet, s’il semble évident que ce qui est beau doit plaire, la réalité est loin d’être aussi simple, car toute oeuvre d’art s’inscrit dans un réseau complexe de connaissances et de références propre à une culture et époque. Ce qui revient à dire que certains chefs-d’oeuvres ne sont pas nécessairement compréhensibles et “plaisants” au premier abord. C’est l’occasion de rentrer dans le vif de votre question. La musique, comme un discours, a pour but de toucher l’auditeur en lui transmettant certains “affects”. Comme un discours ou comme une architecture, les relations tissées autour des thèmes ou d’une tonalité principale constituent les bases constructives de la pièce tandis que les dissonances et les traits sont semblables aux inflexions de la voix de l’orateur et aux ornements de l’architecture. Ces relations multiples entre la structure et les détails expressifs sont les éléments qui pourraient conduire à porter un jugement objectif ou à définir ces “valeurs” dont vous parliez. Quant à l’aspect subjectif, certains sont touchés par des films de Fellini, d’autre par la production hollywoodienne !

Quel est pour vous le plus grand compositeur pour orgue ?

S’il fallait ne citer qu’un nom, ce serait Bach. Mais quel dommage d’oublier Frescobaldi, Sweelinck, Correa de Arauxo, les Couperin !

L’orgue est-il utilisé dans un contexte profane ?

Bien sûr, si l’on considère comme profane toute musique n’étant pas explicitement écrite sur des thèmes religieux ou ne s’inscrivant dans aucun moment liturgique ! Et de plus en plus nombreux sont les orgues construits dans des salles de concerts...

Comment reconnaît-on un orgue bien construit ?

Comme instrument de musique, la première chose à juger est son harmonie qui doit être moelleuse, tendre, nette, sonore, brillante, douce et éclatante. Une caractéristique que l’on tend à oublier aujourd’hui alors qu’on la considérait comme la première qualité autrefois, c’est la solidité, la durabilité. Un orgue bien fait doit être construit pour affronter les siècles et celui de Seppio en est un exemple vivant.

Et l'orgue de Fedeli que vous venez d'inaugurer, quelles caractéristiques a-t-il ?

C’est un orgue qui possède toutes les caractéristiques d’un orgue italien de taille moyenne, avec tous ses registres de ripieno. Ce qui est relativement peu courant pour un instrument de cette importance, c’est l’absence de jeux d’anches comme un Trombocino.

La restauration a-t-elle été soignée ?

La qualité des restaurations effectuées par les Formentelli ne sont plus à prouver et nombreux sont les organistes de France, de Suisse, du Portugal, de Belgique et d’Italie à pouvoir en témoigner. Rien que dans les Marche, de très nombreux instruments ont retrouvé la vie grâce à leur travail de restauration. Je dis leur travail, car en plus de Barthélémy Formentelli, son fils Michel assure un travail magnifique comme nous avons pu l’entendre ici-même à Seppio.

Difficiles nugae