Musique ancienne, clavecin, orgue, Genève

Interview Festival de Lanvellec

Quand (dans quelles circonstances) avez-vous entendu parler la première fois de l’orgue de Lanvellec ?

La réputation de l’orgue de Lanvellec m’est connue depuis bien longtemps. Précisément depuis 1989, date à laquelle je fis la connaissance de Barthélémy Formentelli lorsqu’il était en pleine construction du grand orgue de St-François à Genève. La restauration de Lanvellec était alors assez récente.

Que représente cet orgue Dallam aux yeux des organistes européens ?

Parler des organistes comme s’il s’agissait d’une fratrie homogène ayant les mêmes goûts et points-de-vue est assez utopique... Mais je dirais que tout le monde s’accorde à reconnaître à cet instrument une place prépondérante par la richesse de son matériel original et son état de conservation.

Vous avez enregistré un CD à Lanvellec et à Josselin. Quelle était votre idée ?

Le choix d’un instrument se justifie par le programme que l’on souhaite enregistrer ou, ce qui arrive aussi, impose lui-même une idée de disque... Dans mon cas, on m’a proposé un projet pour une collection de musique anglaise pour orgue. Ayant choisi deux compositeurs particulièrement importants, Tomkins et Gibbons, deux instruments restaurés par Formentelli se sont imposés sans hésitation. Ces instruments m’ont permis de composer un programme en miroir, avec une symétrie vivifiée par la sonorité et l’acoustique assez différente des deux lieux. Très concrètement, les deux claviers de l’orgue de Josselin m’ont également permis de jouer une pièce infaisable sur le clavier unique de Lanvellec.

Quand vous avez joué sur le Dallam pour cet enregistrement, avez-vous eu des surprises, bonnes ou mauvaises, par rapport à ce que vous en saviez ?

Vous vous doutez que l’on ne vient pas enregistrer sans être venu auparavant jouer une fois au moins son programme... de plus, je prête assez peu d’importance à ce que l’on dit d’un instrument. Cela me permet toujours d’avoir une réelle surprise, une découverte sans a priori... Pour Lanvellec, très sincèrement ce fut une joie magnifique et sans restriction.

Parlez-nous du programme que vous exécuterez lors du concert à Lanvellec.

Le festival a chaque année un thème et propose pour cette édition “l’amour en musique”. C’est assurément une thématique fort féconde. Pour l’orgue cependant, choisir l’amour divin comme sujet me semblait trop vague. J’ai ainsi exploité un filon passionnant et peu connu comme fil conducteur : Ruggiero-Bradamante, l’amour chevaleresque ou le modèle italien pour l’Europe du XVIIe siècle. Cet amour épique narré par l'Arioste a laissé une trace très importante dans la littérature musicale sous forme d'une basse obstinée portant le nom de Ruggiero. Ce thème a été traité de manière extrêmement variée et rend compte des différents modes d’expression développés en Italie et qui allaient devenir des modèles pour l’Europe entière : représentation madrigalistique, fantaisie mono ou polythématique, partite (variations sur la basse), capriccio… Pour faire bref, ce programme montrera l'incroyable vitalité, l'échange fantastique qui régnait dans l'Europe du XVIIe.

Quels sentiments vous inspire le fait de vous produire à Lanvellec après de grands noms comme Leonhardt, Ross, Koopman, Chapuis ou Vartolo, etc. ?

Si les grands noms correspondent à de grands artistes, tant mieux ! Mais votre question est une question piège… Un artiste ne devrait pas se préoccuper de savoir s'il a un nom, s'il est flatté par une situation quelconque, mais de savoir si ce qu'il fait correspond vraiment à une recherche, à un chemin intérieurs. Si j'ai appris de ces musiciens, c'est avec reconnaissance que je pense à eux, et gratitude pour le répertoire qu'ils ont fait découvrir au public. Mais ce qui m'importe vraiment, c'est d'apporter au public d'aujourd'hui le fruit de ma passion, de mes recherches et de perpétuer la voie de l'échange, de la découverte et du renouveau.

 

Difficiles nugae